Accompagner les grands-parents, une nouvelle préoccupation pour les centres sociaux ?
par florinasouti · 9 décembre 2020

Le 8 octobre dernier, le comité territorial parentalité Cholet-Mauges, portait sur le sujet de la grand-parentalité.
Ce sujet avait été mis à l’ordre du jour sur proposition d’acteurs du réseau parentalité dont certaines référentes familles.
En effet, le constat était partagé d’une présence de plus en plus marquée des grands parents aux côtés des familles rencontrées. Les centres sociaux sont sollicités par des grands parents en demande d’activités à partager avec leurs petits enfants (vacances, mercredis…).
Certains sont aussi interpellés par des grands-parents qui s’interrogent sur la place qu’ils doivent occuper auprès des leurs enfants et petits-enfants. De leur côté, les travailleurs sociaux du Département (protection ou prévention) disent rencontrer plus souvent qu’avant les grands-parents dans le cadre de leurs accompagnements.
Ces derniers peuvent être désignés comme tiers digne de confiance dans le cadre de la protection de l’enfance, par exemple.
Lors du comité parentalité, les participants (référents familles, travailleurs sociaux, animateurs, psychologues…) se sont donc interrogés mutuellement : Y a-t-il une définition de la grand-parentalité ? Doit-on accompagner la grand-parentalité ? Intérêt supérieur de l’enfant, relais parental, bien-être des grands-parents : comment particulier toutes ces préoccupations ?
Les grands-parents sont peu présents dans le droit français. On leur préfère le terme de tiers ou ascendant.
Dans les études sociales et les politiques publiques, il est plus question des solidarités ascendantes (aide aux parents dépendants) que des solidarités descendantes dont les grands-parents peuvent être de grands pourvoyeurs en direction de leurs enfants et petits-enfants[1].
Les participants au comité se sont accordés sur la difficulté à dresser le profil des grands-parents d’aujourd’hui tant la diversité est grande du fait des multiples formes familiales et des décalages générationnels.
Comment définir alors la grand-parentalité ?
Les grands-parents incarnent un lien qui dépasse la famille nucléaire et la replace dans une généalogie. Le grand-parent est le « parent du parent », il a lui-même l’expérience de la parentalité.
Cette dimension intergénérationnelle qui est vécue à travers la grand-parentalité implique une notion de transmission : il s’agit de transmettre l’histoire familiale, un héritage, des racines, des valeurs, de poursuivre la lignée.
Loin des portraits robots que l’on pouvait encore dresser il y a cinquante ans, de la « mamie gâteau » ou du « patriarche un peu sévère », les grands-parents d’aujourd’hui présentent de multiples visages. Cette diversité de profils et de situations (en activité ou non, en couple ou non,…) illustre bien la complexité de cette période et de ce statut et la multiplicité des rôles que peuvent jouer (ou non) les grands-parents auprès de leurs enfants et petits-enfants. On observe aussi que de plus en plus de grands-parents ne souhaitent pas être réduits à leur seul statut de grands-parents et aspirent à vivre pour eux-mêmes, dans la liberté, l’intimité, les loisirs ou encore les engagements.
On devient grand-mère en moyenne à 54 ans et grand-père à 56 ans[2], en France, à un âge où les injonction à rester jeune et en forme sont très marquées. Devenir grand-parent à cet âge peut réveiller l’angoisse de vieillir. Dans le même temps, cette « jeunesse » peut être un bénéfice pour entretenir une relation plus complice et stimulante avec ses petits-enfants.
Les relations entre les grands-parents et leur(s) enfant(s) sont paradoxales. Le grand-parent peut ainsi être vu tant comme une ressource que comme une source de difficulté ou de conflit. Il s’agit de négocier la place que chacun souhaite prendre et celle qu’il.elle attend de l’autre. Rivalités inconscientes, rejet des normes éducatives, hyper-contrôle… sont sources de tensions et trouver la juste mesure est un défi du quotidien dans certaines familles.
Quand être grand-parent est la seule raison d’être, le risque est d’être envahissant auprès de ses enfants. A l’inverse des sollicitations importantes des enfants et petits-enfants sont parfois incompatibles avec les besoins de liberté et de loisirs des grands-parents.
Si aujourd’hui les grands-parents ne sont pas des cibles identifiées des politiques publiques, « nul doute toutefois que cette situation est amenée à évoluer largement, avec des grands-parents plus actifs, plus au fait des nouvelles technologies. Commencent à fleurir également les associations de grands-parents, telles l’« école européenne des grands-parents », le tissu associatif étant comme chacun sait très dense en France, alors pourquoi pas des associations rassemblant des grands-parents avec leurs problématiques spécifiques ? [3]»
Doit-on accompagner les grands-parents au même titre que nous accompagnons les parents ?
Les professionnels réunis au sein du comité ont observé que le principal besoin relève en général de la communication : écoute, expression des besoins de chacun, accueil des émotions…Chacun, dans la famille, doit pouvoir exprimer ce dont il a besoin et envie.
Il s’agit de permettre l’échange et la confrontation des regards entre générations, d’amener les grands parents à s’intéresser aux courants éducatifs d’aujourd’hui, tout en leur permettant d’exprimer ce qui compte pour eux.
Les grands-parents sont parfois en recherche de réponses, de pistes. En particulier les grands-parents dans une famille recomposée.
Les activités partagées entre grand-parent, parent et enfant sont aussi de belles occasions d’échanges, de rencontres et de découvertes, hors du cadre familial. C’est à favoriser quand les familles n’ont pas ces occasions par elles-mêmes. Les grands-parents sont en recherche d’activités à partager avec leurs petits-enfants pendant les vacances, les mercredis.
En aucun cas, il ne s’agit de définir ce que doit être un grand-parent. L’usage du terme « grand-parentalité », à l’instar du terme « parentalité », pourrait présenter ce risque, plus ou moins explicite, de normalisation de la façon d’être grand-parent.
En conclusion, les participants au comité du 8 octobre ont choisi de retenir « qu’être grand-parent, c’est complexe, il n’y a pas de définition car cela dépend de chaque famille, il y a une grande diversité de situations. » Cela interroge :
La PLACE : trouver la bonne, la questionner
Les ATTENTES de chacun : quelles sont-elles ?
La notion de TRANSMISSION : qu’est-ce que je veux transmettre, à qui, comment ?
Les RESSOURCES dont je dispose
La COMMUNICATION : indispensable
Quelques pistes d’actions pour les centres sociaux ?
Certains centres-sociaux se sont déjà emparés du sujet, à la demande des familles. Quelques idées…
- Une conférence à destination des parents et des grands-parents sur la famille et la grand-parentalité aujourd’hui, afin de prendre conscience des évolutions globales
- Un temps de discussion et d’échanges associant les différentes générations sur cette question de la place et du rôle des grands-parents dans l’éducation des enfants pour permettre la confrontation des attentes et des points de vue. L’intérêt est de prendre du recul par rapport à ses propres représentations, de prendre conscience des réalités de l’« autre génération » et de la complexité du sujet.
- Un groupe de parole ou café de grands-parents pour permettre l’échange entre pairs
- Des activités de loisirs entre enfants, parents et/ou grands-parents pendant les vacances scolaires
- Un lieu ressource pour les grands-parents gardiens, autour d’activités à faire avec les petits enfants
- …
Pour aller plus loin :
- Compte-rendu du comité territorial parentalité du 8 octobre 2020 : https://cloud.fdsociaux4953.fr/index.php/s/D7T6wfgCzYpbFc8/download
- Etre grand-parent aujourd’hui : infos et repères – Réseau Parentalité 49 : https://parents49.fr/ressource/etre-grand-parent-aujourdhui/
- La plateforme de ressources pour les grands-parents « Mamie Germaine », animée par la Fédération des centres sociaux de Vendée : https://mamie-germaine.centres-sociaux.fr/
- La « grand-parentalité » aujourd’hui en France, Florence Lianos, 2013 : https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2013-3-page-655.htm
- https://www.francebleu.fr/emissions/la-vie-en-bleu-le-dossier-en-poitou/poitou/famille-quelle-place-pour-les-grands-parents
- Dossier du dernier numéro de la revue L’école des parents – Les nouveaux grands-parents : https://www.ecoledesparents.org/boutique/revue/lecole-des-parents-637/
- Enquête de l’UNAF : « le rôle des grands-parents dans la vie familiale » : https://www.unaf.fr/IMG/pdf/bro_8p_obs_familles_12-4.pdf
- 15 millions de grands-parents, INSEE Première n°1469, Octobre 2013 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281390
[1] La « grand-parentalité » aujourd’hui en France, Florence Lianos, 2013
[2] 15 millions de grands-parents, INSEE Première n°1469, Octobre 2013
[3] La « grand-parentalité » aujourd’hui en France, Florence Lianos, 2013